Pourquoi les footballeurs recrachent l’eau sur le terrain ?

Une stratégie scientifique bien pensée, loin d’un simple tic
Lors des matchs de football, une scène intrigue régulièrement les spectateurs : au cours d’un arrêt de jeu, un joueur saisit sa gourde, porte le liquide à sa bouche, se rince brièvement... puis le recrache aussitôt sur la pelouse. Un geste qui pourrait sembler désinvolte, voire irrespectueux, mais qui cache en réalité une logique bien précise, issue des recommandations de professionnels de la nutrition sportive.
« Ce n’est pas une mode ou un caprice. C’est une méthode testée et validée scientifiquement », assure Michel Martino, diététicien spécialisé dans l’accompagnement des clubs de Ligue 1 depuis plus d’une décennie.
Des boissons riches en glucose… à ne pas avaler
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les gourdes que manipulent les joueurs ne contiennent généralement pas de l’eau pure. Il s’agit le plus souvent de solutions glucosées, composées d’environ 40 à 60 grammes de glucose par litre. L’objectif de ces boissons n’est pas nécessairement de s’hydrater, mais d’envoyer un signal cérébral très spécifique.
« Quand un joueur se rince la bouche avec ce liquide, les neurones présents dans la muqueuse buccale envoient une information au cerveau indiquant qu’un apport énergétique est imminent », explique Nicolas Aubineau, autre expert en nutrition du sport. Ce mécanisme d’alerte stimule les muscles, renforce la concentration et atténue la sensation de fatigue. « C’est une sorte de leurre métabolique qui permet au corps de se mobiliser sans avoir à digérer », ajoute-t-il.
Un gain de performance mesurable
Ce procédé, loin d’être anecdotique, s’est imposé comme une technique reconnue dans le monde du sport de haut niveau. Une étude américaine publiée en 2011 par Fares et Kayser a démontré qu’un rinçage de bouche régulier (toutes les cinq minutes) avec une boisson sucrée pouvait améliorer les performances physiques de 5 % lors d’un effort inférieur à une heure. Des chiffres loin d’être négligeables à ce niveau de compétition.
« Ceux qui boivent ces solutions n’ont rien compris », lance avec un brin d’ironie Michel Martino. « Cela crée une surcharge digestive inutile. Plus l’intensité de l’effort est forte, plus l’estomac ralentit. Avaler de grandes quantités peut provoquer nausées et vomissements ».
Une stratégie adaptée au format du football
Contrairement aux disciplines d’endurance comme le trail ou le marathon, où les athlètes doivent impérativement compenser les pertes nutritionnelles par ingestion, le football – avec ses deux périodes de 45 minutes – s’accommode mieux d’un apport transitoire et indirect. L’essentiel est d’optimiser la réactivité du corps sans l’encombrer.
Cette méthode s’est notamment illustrée lors des Coupes du monde en Russie et au Qatar, où de nombreux joueurs adoptaient ce comportement lors des pauses fraîcheur, bien loin du simple effet d’imitation.
D’autres raisons plus pragmatiques
Il arrive aussi que les footballeurs recrachent de l’eau pour des raisons plus terre-à-terre. L’effort intense produit du mucus, qui remonte des bronches vers la bouche. L’eau permet alors simplement de se rincer, de nettoyer une salive devenue collante, et de reprendre une respiration normale.
« Après un sprint ou une action intense, la fréquence respiratoire est telle qu’il devient difficile d’avaler quoi que ce soit. Même boire peut gêner l’oxygénation du corps », précise Michel Martino.
Une pratique encore mal maîtrisée
Si cette technique semble de plus en plus répandue, elle n’est pourtant pas encore intégrée par tous. « Certains joueurs continuent de boire comme si de rien n’était. Pourtant, il serait plus judicieux de se préparer bien avant le match, avec une bonne recharge glucidique : des pâtes, un jus de fruit, un dessert sucré… Mais cette rigueur n’est pas toujours au rendez-vous, même en Ligue 1 », regrette Martino.
Au final, loin des apparences, recracher l’eau sur le terrain n’a rien d’un comportement irrévérencieux. Il s’agit d’un geste stratégique, calculé, visant à booster les performances physiques tout en évitant les désagréments digestifs. Une méthode de plus dans l’arsenal invisible de la haute performance sportive.
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